Transport de marchandises: respecter le climat, c’est penser autrement !

Lettre au Président de la République

Après les événements douloureux de ces dernières semaines, il devient urgent de préparer le monde d’après; nous devons commencer par une prise de conscience des enjeux écologiques, notamment par la modification rapide de nos habitudes de transport. Et pour cela il faut un soutien résolu de l’État aux secteurs du fret ferroviaire et fluvial, un peu plus fragilisés par la crise du coronavirus.

La part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises en France a été divisée par deux en l’espace de deux décennies, pour tomber à 9%. Le transport de marchandises est largement dominé par le mode routier, loin devant le ferroviaire. Mais au moment où notre pays a été mis sous le dôme protecteur du confinement, les trains de fret ont sillonné notre territoire pour apporter les marchandises vitales au bon fonctionnement de notre société : du combustible pour chauffer les hôpitaux, des céréales pour fabriquer des pâtes ou de l’amidon pour les médicaments, des produits vitaux pour les sociétés pharmaceutiques, etc. Le fret ferroviaire a une consommation énergétique six fois inférieure au mode routier et ce grâce à une faible surface de contact entre la roue et le rail. Cet avantage physique se traduit par des coûts externes six fois inférieurs au routier quelle que soit la source d’énergie (le train électrique étant de fait plus vert). Un train de fret émet dix fois moins de CO2 par kilomètre qu’un camion et possède une capacité d’emport plus importante, 1 train = 40 camions.

Quant au transport fluvial, plus ancien moyen de transport au monde, il a été délaissé petit à petit au profit du transport par camions. En France, notre réseau fluvial est de 8 500 km de voies d’eau navigables (fleuves et canaux), le premier en Europe par sa longueur. Pourtant ce mode de transport est beaucoup moins développé en France ( 7,4 M t-km) que dans les autres pays d’Europe : Allemagne (64 M t-km), Belgique (8,75 M t-km), Pays-Bas (45 M t-km). Le fluvial est un moyen de transport de fret bien plus écologique que le transport par camions. Si l’on considère la pollution à la tonne transportée, une péniche de grand gabarit est bien moins polluante que les camions. Une étude comparative menée en 2009 par VNF (Voies Navigables de France) à l’aide d’un éco-calculateur a démontré qu’en moyenne, un convoi fluvial (2 péniches) transporte 5 000 tonnes, soit autant que 5 trains complets ou 250 camions. Ce convoi consommerait 3,7 fois moins que la route en carburant et polluerait quatre fois moins.

L’impact du transport terrestre sur l’environnement et la société est souvent sous-estimé : 50 000 décès prématurés, victimes d’accidents de la route et 275 millions de tonnes d’émission de CO2, sont à déplorer chaque année.

La taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandise (ou Ecotaxe), dont l'objectif était de tarifer les transports routiers jugés polluants, devait permettre des investissements dans le développement des transports fluviaux ou ferroviaires en faisant payer les coûts réels du transport routier de marchandises (dégradation de la voirie, financement des infrastructures routières) et aurait pu changer la donne. Malheureusement, l’idée d’une écotaxe a définitivement été enterrée par l’Assemblée nationale en 2017. Pourtant chez nos voisins européens, par exemple en Suisse et en Autriche, le fret ferroviaire représente plus de 30% du transport de marchandises.

Le fret fluvial et le fret ferroviaire sont des moyens de transport écologiques, performants et fiables. L’augmentation de la capacité d’emport de ces mobilités douces permettrait la diminution de la pollution sonore dans les villes et économiserait le temps de transport de la population. En moyenne 120 heures sont perdues dans la circulation par conducteur et par an.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, nous appelons le gouvernement français à prendre en compte le coût écologique du transport de marchandises par mode routier et à ne plus rester dans l’inaction. Le gouvernement doit limiter la place du camion sur les routes et favoriser activement les transports les moins polluants, au nom du climat et de la santé.

Nous demandons :

- L'ouverture d'états généraux du fret.

- Création au plus vite d’un « plan Marshall pour le fret » afin de sauver le transport ferroviaire de marchandises en France.

- Soutenir les coalitions d'entreprises ferroviaires Rail Freight Forward et 4F (Fret Ferroviaire Français du Futur), qui militent pour passer la part modale du fret ferroviaire européen de 18% à 30% d’ici 2030.

- L’abandon de l’exonération fiscale pour le transport aérien intérieur.

- La création d’une "Société des routes de France", à l’image de SNCF RESEAU, appliquant les mêmes règles comptables, afin de faire payer le véritable coût du transport et d’entretien de l’infrastructure.

- L'adoption d'une "règle d'or" climatique et environnementale permettant d'abandonner tout projet autoroutier ou aérien néfaste au climat, à la biodiversité et à la santé.

- Favoriser les investissements verts. Création d’un ecolabel vert pour le transport de marchandises avec une TVA verte réduite.

- La mise en place d'une redevance kilométrique d’utilisation de l’infrastructure pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes, en application de la Directive Eurovignette.

- Investir massivement dans la régénération du réseau ferré français.

- S’assurer que la charge du coût de formation dans le transport terrestre est bien assurée par les employeurs comme dans les entreprises ferroviaires afin d’éviter une concurrence déloyale.

- Financer des formations de transition pour redéployer les emplois de la route vers le ferroviaire.

- Reprise des études des liaisons fluviales : Seine-Est, Rhin-Danube et Saône-Moselle.

- Engager les entreprises à capitaux publics à étudier systématiquement une solution fluviale et/ou ferroviaire pour l’ensemble de leurs transports de marchandises, en particulier pour l’acheminement de pièces lourdes.

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